Le 23 novembre 2015, Magali Reghezza-Zitt, docteure en géographie et aménagement et maître de conférences à l'École normale supérieure de Paris, a tenu une conférence sur le risque de crue centennale dans l'agglomération parisienne.
Magali Reghezza-Zitt a soutenu en 2006 une thèse dont le thème portait sur la vulnérabilité de la métropole parisienne face au risque d'inondation centennale. Auteure du livre Paris coule-t-il ? (2011), ses principaux thèmes de recherches sont les risques naturels, la vulnérabilité urbaine ou encore la résilience et l'adaptation.
La crue de 1910 apparaît aujourd'hui comme un événement lointain que l'on se remémore de manière ponctuelle en regardant les photos en noir et blanc prises à l'époque. Sur ces clichés que l'on regarde d'un air amusé, la crue parait folklorique et perd tout son aspect « d'événement à risque ». Magali Reghezza-Zitt, au travers de sa conférence, nous ramène à la réalité : les dommages d'une crue similaire à celle de 1910 seraient aujourd'hui 10 fois plus importants, et représenteraient un coût d'environ 30 milliards d'euros. La perturbation fonctionnelle qui en résulterait est qualifiée de « majeure et ubiquiste » : 850 000 personnes se retrouveraient les pieds dans l'eau et plus de 5 millions d'habitants seraient touchés par des coupures temporaires d'électricité.
Cette crise à cinétique lente soulèverait de nombreux problèmes : la gestion de la crise qui impliquerait de multiples parties prenantes, la nature de la crise qui demanderait une réorganisation importante des moyens de secours, l'évacuation des populations, la gestion des dégâts causés aux bâtiments, la question du nettoyage, la gestion des déchets et des pollutions créés, la question du redémarrage des installations et des indemnisations.
Face à cette crise se développent les notions de résilience et d'adaptation :
Magali Reghezza-Zitt décrit un changement dans les mœurs qui est celui du « passage de la mitigation à l'adaptation », de la société du risque à celle de l'incertitude, du risque acceptable à la crise acceptée. La résilience apparaît alors comme un « refus du fatalisme ».
La réponse de l'Etat face à ces crises passe notamment par la modification des réglementations et la préparation en amont. En 1995, la loi Barnier instaurait la création des plans de prévention de risques inondation (PPRI) dans toutes les communes menacées par un risque inondation. Le dispositif ORSEC et la loi de modernisation de sécurité civile de 2004 détaillent l'organisation des secours face à ces crises et instaurent une nouvelle logique. Il s'agit d'inciter les différents acteurs à développer leur capacité de réaction et d'autonomie pour faire face à une situation très incertaine. On observe donc la fin de la logique du « tout protection » de l'Etat et du « risque zéro ». De manière plus générale, l'objectif est de développer des actions de prévention et d'information des différents acteurs, d'agir en amont et pendant la crise pour limiter ses effets dans le temps et l'espace.
Magali Reghezza-Zitt note cependant un manque concret de moyens et de personnels pour répondre à la problématique « crue ». Seules quelques personnes travaillent au quotidien à la gestion du « risque inondation » et il n'y a pas de capitalisation de l'information et de partage entre les gestionnaires des risques, les militaires, la préfecture et les entreprises.
Les événements du début de ce mois de juin 2016 ont montré la réalité de ce « risque inondation » sur l'agglomération parisienne. Une prise de conscience se fait dans toutes les sphères de la société : pouvoir public, population, service de secours.
Comme après chaque catastrophe, de nombreuses mesures sont prises. Seront-elles de type résistant comme cela a souvent été le cas par le passé ou au contraire seront-elles résilientes comme le suggère Magali Reghezza-Zitt ?
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Par Pierre FORT et Marine GESLAIN
Etudiants du Master 2 MIR