Depuis que les « données » ont accédé au statut nettement plus imposant de « data », au motif qu’elles sont désormais issues de capteurs biologiques et numériques et d’outils logiciels toujours plus nombreux, précis, puissants, et ubiquitaires, le « data-based » s’impose comme le socle de l’action bio-médicale (mais aussi psychologique, sociale, voire politique). Qu’elles soient « big », et soient supposées nous donner accès à des régularités insoupçonnées dans les populations, qu’elles quantifient le self, et nous donnent à voir les mécanismes les plus fins de l’individu, qu’elles forment la base des « evidences » qui disent le vrai et le faux de l’efficacité des thérapeutiques, les « data » semblent s’imposer comme un horizon indépassable des sciences et pratiques biomédicales.
Que font précisément ces « data » aux entités – produits, catégories, pratiques, identités – biomédicales ? Et qu’imposent-elles aux sciences sociales lorsque celles-ci cherchent à rendre compte de ces effets ? Cette séance propose une réflexion transversale sur ces enjeux à partir de travaux de chercheurs invités et du Cermes3 portant sur différents segments de la biomédecine : génomique, neurosciences, quantified self, médecine personnalisée, big data, objets connectés… Trois directions pourront être privilégiées :
- i) épistémique. Dans quelle mesure les « data »façonnent-elles les façons d’aborder et de penser la nature des phénomènes et entités ? Comment concourent-elles à la naturalisation du vivant, de la vie humaine ?
- ii) méthodologique. L’analyse de la production et de l’usage des « data » pose de nombreux défis aux sciences sociales, de la difficulté à faire sens du formalisme mathématique mobilisé par les chercheurs à l’invisibilité du travail impliqué dans le maniement des données. Quelles pistes s’offrent aux chercheurs pour dépasser ces écueils ?
iii) politique. La marginalisation des sciences sociales dans les débats sur le vivant est probablement l’une des conséquences majeures de l’avènement des data. Quelles positions théoriques et méthodologiques, mais aussi morales et politiques la recherche en sciences sociales peut-elle adopter pour préserver un savoir sur l’humain qui ne peut se retrouver dans la seule détection de régularités statistiques dans des téra-octets de données atomiques ?
Intervenants
Martyn Pickersgill, Wellcome Trust Reader in Social Studies of Biomedicine, Usher Institute of Population Health Sciences and Informatics, University of Edinburgh, http://www.ed.ac.uk/profile/martyn-pickersgill
Sabina Leonelli, Associate Professor of Philosophy of Science, University of Exeter, http://socialsciences.exeter.ac.uk/sociology/staff/leonelli/